Disney célèbre ses 100 ans le 16 octobre 2023. Durant ce siècle écoulé, la firme, parmi les plus puissantes au monde dans le secteur de la production audiovisuelle avec 82,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2022, aura conquis un immense public grâce à des dizaines de longs-métrages aux succès souvent retentissants, à ses parcs à thèmes ou encore ses innombrables produits dérivés. C’est dire si, génération après génération, Disney a exercé, et exerce encore, une influence sur ses jeunes et moins jeunes adeptes.
Longtemps critiqué pour les clichés récurrents véhiculés dans ses dessins animés et l’absence de diversité ethnique et de genre, Disney a entrepris depuis plusieurs années un virage afin de réaliser des œuvres plus inclusives. On pense par exemple à Mulan (1998) dans lequel l’héroïne chinoise explore des thèmes de genre et d’identité, à La Princesse et la Grenouille (2009) qui met en scène Tiana, première princesse noire de Disney, ou encore La Reine des Neiges (2013), salué pour sa représentation de l’empowerment féminin. Efforts qui lui ont valu l’approbation des progressistes, quand bien même ces derniers jugent qu’ils ne sont pas suffisants, mais également de nombreuses critiques et accusations de wokisme aggravé.
Comment les Françaises et les Français, gros consommateurs de productions Disney, appréhendent-ils ces évolutions ? Y sont-ils favorables ou, au contraire, font-ils montre de conservatisme ? Acceptent-ils qu’une princesse puisse être lesbienne ou que les sept nains disparaissent de l’univers de Blanche Neige ? Comment Disney a influencé leurs envies de découvertes et de voyages ?
C’est à ces questions et à bien d’autres que répond la très complète étude menée par l’IFOP à la demande de Voyage avec Nous. Une enquête dont les résultats témoignent d’une France plutôt conservatrice, avec cependant d’importantes nuances en fonction des générations ou du degré de progressisme des personnes interrogées.
Incontournable Disney
Près de deux Français.es sur trois (63%) disent avoir vu une production Disney (hors Marvel et Star Wars) au cours des trois dernières années, proportion qui grimpe à 85% pour les 18-34 ans contre 30% chez les plus de 65 ans. Les plus jeunes de nos compatriotes comptent les fidèles les plus assidus : 48% des 18-24 ans et 53% des 25-34 ans, souvent parents d’enfants en bas âge, indiquent visionner du Disney au moins une fois par mois. La différence est d’ailleurs nette entre les foyers ou vivent des enfants de moins de 15 ans et ceux sans enfants, puisque 42% des premiers en regardent au moins une fois par mois contre 17% chez les seconds.
Tolérance, voyages et découvertes
L’influence des films Disney sur le degré de tolérance de celles et ceux qui les regardent fait assez largement consensus parmi les Françaises et les Français. Ainsi, 63% d’entre eux estiment que leur visionnage les a incités à être plus tolérants, un avis particulièrement partagé par les 18-24 ans (70%) et les 25-34 ans (76%), ainsi que par les personnes se vivant comme progressistes (73%), catégories généralement déjà ouvertes à cette perception. L’on retrouve les mêmes catégories en tête des réponses pour l’envie de découvrir d’autres cultures (74% chez les 18-24 ans), de vivre davantage d’aventures (55% pour les progressistes) ou encore de voyager vers des destinations originales (56% chez les 25-34 ans).
Les Français.es rétifs aux modifications
Bien que sensibles aux messages de tolérance diffusés par Disney, les Françaises et les Français se montrent globalement réticents aux modifications que pourrait apporter la firme pour mieux adapter ses longs métrages d’animation et autres films aux évolutions de la société. Globalement, cette démarche n’est approuvée que par 38% des personnes interrogées, un chiffre similaire à celui enregistré auprès du public américain (39%), pareillement questionné par l’institut YouGov en avril dernier. Les plus jeunes sont certes les moins réfractaires (46% des moins de 35 ans sont pour), mais sans pour autant dégager une majorité.
Toutefois, des différences très nettes se font jour dès lors que l’on entre dans le détail des différentes catégories de répondants. La fracture est ainsi forte entre les très progressistes, qui approuvent ces modifications à 68%, et les conservateurs qui s’y opposent pour 85% d’entre eux. Par ailleurs, les consommateurs réguliers de contenus estampillés Disney sont plus sensibles à cette démarche : 54% de ceux qui en visionnent au moins une fois par mois s’y disent favorables quand 71% des non-consommateurs sont contre.
Une vision globalement conservatrice
Cette tendance conservatrice se retrouve dans les réponses aux différents changements lorsque ceux-ci sont clairement énoncés. Pour plus des deux tiers (77%) des personnes interrogées, il n’est pas question de remplacer les nains de Blanche-Neige par des créatures magiques comme le prévoit l’adaptation de ce grand classique en 2024. Cet avis tranché est partagé par toutes les tranches d’âge (jusqu’à 90% de refus chez le plus de 65 ans) et tant par les progressistes (67%) que par les conservateurs (88%).
De même, 7 Français sur 10 sont en désaccord avec la perspective que Blanche-Neige ne soit pas sauvée par le prince et ne rêve pas de trouver le grand amour (déclaration de l’actrice Rachel Zegler, sa future interprète), ou avec la possibilité de supprimer les scènes où un prince charmant donne un baiser à La Belle au Bois Dormant et à Blanche-Neige pour les sauver alors qu’elles sont inconscientes. Là encore, la désapprobation traverse l’ensemble du panel.
En revanche, l’ajout par Disney d’avertissements sur la présence de clichés jugés racistes dans certains classiques comme Dumbo et les Aristochats partage l’opinion. Si 58% des Françaises et des Français pris dans leur ensemble s’y opposent, la proportion est nettement plus faible chez les moins de 35 ans (43%) que chez leurs aînés (69% chez le plus de 65 ans). Les écarts sont encore plus grands entre les progressistes, qui sont 40% à désapprouver contre 79% chez les conservateurs. Les mêmes divergences existent, et dans des proportions très proches, sur la représentation de personnages LGBTQIA+ (Lesbienne, Gay, Bisexuel.le, Trans, Queer, Intersexe et Asexuel.le) dans la production Disney.
Deux évolutions recueillent néanmoins l’assentiment – à une courte majorité – des personnes interrogées. Le choix d’une actrice latino-américaine pour interpréter Blanche Neige ne dérange que 48% des répondants quand celui de confier à une actrice afro-américaine le rôle de la Petite Sirène ne convient pas à 46%. Si les écarts entre les tranches d’âge sont faibles, un gouffre sépare encore les progressistes (dont seulement 1/3 désapprouve ces alternatives) et les conservateurs qui les rejettent pour plus de 7 sur 10 d’entre eux.
Représentation ethnique : les Français.es moins sensibles que les Américain.es
Ces dernières années, plusieurs personnages féminins issus de différents groupes ethniques ont été mis en scène par Disney, à l’exemple de Mulan, dans le long métrage animé éponyme, ou de Tiana dans La Princesse et la Grenouille. Sur cette question de la représentation de la diversité ethnique, les Françaises et les Français se montrent partagés : 42% estiment qu’il s’agit d’une démarche importante quand 43% pensent le contraire et que 15% ne se prononcent pas. À nouveau, c’est parmi les jeunes générations que se trouve le plus de personnes y accordant de l’importance : 67% des 18-24 ans disent que ça l’est pour eux quand 36% des 50-64 ans et seulement 25% des plus de 65 ans sont de cet avis.
Il est par ailleurs très intéressant de mesurer la différence de perception sur cette question entre les Français.es et les Américain.es. Ces derniers sont en effet 63% à dire qu’il s’agit là d’un sujet important à leurs yeux, contre 27% pour lesquels il ne l’est pas, et 10% qui sont sans opinion. Ces écarts importants reflètent les approches culturelles différentes entre nos deux pays : quand les questions de représentation et de diversité sont cruciales aux USA – les statistiques ethniques y sont ainsi autorisées -, la France privilégie la voie universaliste d’une nation unie par les lois de la République.
La diversité des genres divise
Partagés sur l’importance de représenter les diversités éthiques, nos compatriotes le sont également en matière de genre. Ainsi, 52% des personnes interrogées (55% des femmes contre 49% des hommes) n’approuveraient pas qu’une princesse Disney soit lesbienne contre 48% qui y seraient favorables. À nouveau, un gap générationnel important apparait à la lecture des chiffres, avec un tiers (34%) des 18-24 ans qui s’y montrent opposés contre les deux tiers (67%) chez les plus de 65 ans. De grosses différences existent aussi en fonction du niveau de consommation des productions Disney : celles et ceux qui en visionnent chaque semaine ne sont que 27% à désapprouver l’idée qu’une princesse puisse être lesbienne contre 64% chez les non-consommateurs.
Si les Américain.es sont majoritairement favorables à la diversité ethnique chez les princesses made in Disney, ils le sont en revanche beaucoup moins en matière d’homosexualité. En effet, ils sont 59% à rejeter la perspective d’une héroïne lesbienne à l’écran.
Oui aux rêves de princesse des petites filles
Génération après génération, combien de petites filles ont-elles rêvé de devenir une princesse à l’image de leurs personnages préférés ? Elles se comptent très probablement en millions. Cette projection enfantine pose-t-elle problème ? Non, disent les Françaises et les Français qui ne sont que 8% à penser qu’il s’agit d’une mauvaise chose contre 37% qui estiment le contraire. Surtout, pour près de la moitié (49%) des répondant.es, la question ne se pose pas. Des chiffres quasi identiques à ceux enregistrés aux États-Unis : des deux côtés de l’Atlantique, on est pour laisser les petites rêver à un tel destin.
Quelle influence sur les attentes sentimentales des Françaises ?
Chez Disney, qui dit princesse dit souvent prince charmant paré de toutes les vertus. Des qualités qu’à l’évidence les Françaises (hétérosexuelles ou bisexuelles) questionnées par l’IFOP recherchent chez leur compagnon puisqu’elles sont 85% à attendre qu’il les protège, 84% à le souhaiter romantique, 79% qu’il soit armé de bravoure, 63% qu’il soit beau ou encore 60% qu’il leur passe la bague au doigt. En revanche, elles sont bien moins nombreuses à l’espérer riche (37%) ou qu’il veuille beaucoup d’enfants (31%). Les films Disney ont-ils joué un rôle dans leurs attentes ? Oui, mais de manière assez marginale. Ainsi, 22% de celles qui espèrent un conjoint romantique le disent contre 62% pour lesquelles cela n’a pas compté. Il en est de même pour tous les items proposés. Néanmoins, les proportions augmentent de manière significative chez les consommatrices les plus assidues : 36% des Françaises qui visionnent des œuvres de Disney au moins une fois par mois estiment par exemple qu’elles ont été influencées dans leur attente d’un homme romantique contre 14% de celles qui en regardent moins souvent.
Le Roi Lion écrase la concurrence
Parmi les 26 longs métrages animés soumis à leur choix, les répondants à cette enquête ont très nettement placé Le Roi Lion en tête de leurs préférences. Les aventures de Simba, Timon et Pumba ont en effet les faveurs de 15% des personnes interrogées, trustant la première place dans toutes les catégories d’âge… ou presque. Car s’il devance largement les autres productions (20% des moins de 35 ans en font par exemple leur favori), Le Roi Lion ne recueille que 10% des suffrages des plus de 65 ans, battu par les classiques bien plus anciens que sont Cendrillon (16%) et Le Livre de la Jungle (11%), talonné par Bambi et Blanche-Neige et les Sept Nains (9%).
En observant les résultats très éparpillés liés à la riche liste proposée, soulignons que Mulan prend la seconde place des longs métrages préférés des moins de 35 ans avec 6% de citations devant Raiponce (4%). Chez les plus de 35 ans, le Roi Lion l’emporte également avec un score global de 13%, suivi par Cendrillon (7%), Bambi, Le Livre de la Jungle et Blanche-Neige (5%), portés par le choix beaucoup plus concentré des seniors sur quelques films.
Étude menée par l’IFOP pour Voyage avec Nous les 3 et 4 octobre 2023 auprès de 1 011 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatives de la population française.
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